
De la grande visite venue dire merci.
Comme on le sait, le District du Canada francophone vivra une période de transition en s’unissant au District américain de DENA (District de l’Est de l’Amérique du Nord). Or, le Supérieur général des Frères des Écoles chrétiennes, Frère Armin Luistro accompagné de ses Conseillers généraux, Frère Chris Patiño et Frère Carlos Gomez, ont tenu à organiser une cérémonie d’hommage et de reconnaissance aux Frères d’ici et leur offrir des mots d’espoir pour la suite de la Mission éducative lasallienne au Québec.

Dans un premier temps, ils ont voulu rencontrer le Conseil de District des F.É.C. avec le Conseil de la Mission. Lors de cette très fraternelle réunion, Frère Armin a souligné l’extraordinaire apport des Frères Canadiens particulièrement dans leur engagement dans les missions sur le continent africain les Caraïbes et au Japon. Encore aujourd’hui, on peut témoigner de l’impact durable et toujours visible du « passage » des Frères dans ces pays si différents de notre réalité.

Le lendemain fut l’occasion pour nos distingués invités de rendre hommage et manifester leur reconnaissance envers ceux qui ont donné leur vie à l’éducation de Jeunes au Québec et dans le monde. Deux laïcs, M. Maurice Richard et M. Denis de Villers ont témoigné de l’impact des Frères des Écoles chrétiennes dans leurs vies respectives.

Voici les discours du Visiteur du District du Canada francophone, de Frère Fermin Martinez, FSC délégué du Japon et du Supérieur Général :

Cher F. Armin,
Cher F. Carlos Gomez, Vicaire-Général,
Cher F. Chris Patino, Conseiller-Général,
Distingués invités,
Chers confrères,
C’est pour moi un honneur et plaisir de vous souhaiter la plus fraternelle bienvenue et d’avoir l’occasion de remercier le F. Supérieur et le Conseil général pour avoir eu l’idée de cette rencontre aujourd’hui.
Comme la plupart d’entre vous le savent, l’aventure lasallienne au pays a débuté à la toute fin de 1837 et s’est implantée très rapidement ici et, quelques années plus tard à peine, un peu partout aux États-Unis. La rapidité de ce développement fut étonnante et, ce qui le fut plus encore, ce furent les succès éducatifs rencontrés partout où les Frères ont accepté de s’établir.
Les Frères n’ont jamais poursuivi d’autres objectifs que celui de répondre aux besoins; ils n’ont jamais eu de plan d’expansion. Dans les faits, ils ne réussissaient à répondre positivement à toutes les demandes d’implantation qui leur étaient faites.
L’école des Frères, c’était le centre du quartier; outre l’enseignement, si bien organisé et si efficace, c’étaient les équipes sportives qui les occupaient, ou les troupes de théâtre, les chorales, les activités en nature, l’accompagnement des enfants de chœur et de divers mouvements de jeunes, et quoi encore! Ils étaient là le jour, le soir, les fins de semaine, faisant preuve d’un dévouement inlassable. Plusieurs, c’est certain, y ont laissé leur santé et De La Salle avait prévu que cela pouvait arriver, même si on tentait de prévenir cela.
Quand les Frères sont arrivés, ils débarquaient dans un pays très catholique; le système scolaire l’était aussi, de sorte qu’ils purent diriger les écoles primaires et secondaires, qui étaient publiques; cette situation, assez unique dans l’histoire de l’Institut, a perduré de 1837 jusque dans les années 1960, soit pendant tout près de 130 ans. Les Frères furent les champions de l’enseignement des classes populaires, partout au Québec.
Il est important de souligner qu’ils ne le furent pas qu’ici. Dès les années 1940, des confrères très compétents et courageux ont fondé des missions dans de nombreux pays, particulièrement dans des pays d’Afrique (surtout au Cameroun), mais aussi au Japon, en Guadeloupe et, plus récemment, en Haïti. Les œuvres continuent de se développer, même si l’âge avancé des Frères les a obligés à rentrer au pays il y plusieurs années déjà.
Avec la création du ministère de l’Éducation au milieu des années 1960, la situation de l’école a changé, aussi bien que le rôle que les Frères y jouaient. Tout cela est arrivé en même temps que la baisse marquée des entrées dans la communauté. Toutefois, l’objectif premier, qui était et est toujours, celui de l’éducation chrétienne, a donné lieu à des œuvres originales au fil des années; il en subsiste quatre, qui sont appuyées financièrement et spirituellement par la communauté, mais qui sont dirigées et animées par des partenaires laïcs convaincus et compétents; elles n’ont pas toutes la pastorale comme activité principale, mais la préoccupation des pauvres est partout. Ce qui est remarquable aussi, c’est que plusieurs Frères ont continué à collaborer à ces œuvres, aussi longtemps que le leur santé le leur a permis; plusieurs Supérieurs généraux donnaient souvent notre district en exemple quand il était question de demeurer actifs au-delà de la retraite officielle.
Je termine ici mon bref survol de la présence efficace des Frères au pays, même si tellement plus pourrait être dit; d’autres s’en chargeront.
Une nouvelle ère, si l’on peut dire, débutera bientôt pour nous, Lasalliens du Québec, alors que nous serons rattachés au cours de la présente année à une entité américaine qui nous connaît bien déjà et qui poursuit exactement les mêmes objectifs d’éducation chrétienne, plus particulièrement auprès des plus pauvres.
Je ne veux laisser passer l’occasion, qui est tellement favorable, de remercier le Frère Supérieur Général et son Conseil pour l’appui constant dont ils nous ont gratifiés au cours des années, ne doutant pas qu’ils continueront à le faire.
F. Florent Gaudreault, Visiteur
Le 2 mars 2025

District du Canada francophone
Journée d’action de grâce
Dimanche 2 mars 2025
Frère Armin A. Luistro, FSC
Chers amis, les lectures liturgiques de cet heureux dimanche s’articulent autour de la riche image visuelle de fruits nourrissants et attrayants : fruits d’arbres bien entretenus (Siracide 27, 4-7), fruits d’un travail constant (1 Corinthiens 15, 54-58) et fruits de la plénitude de nos cœurs (Luc 6, 39-45). L’apôtre Paul nous exhorte dans la deuxième lecture : « Rendez grâce à Dieu, qui nous donne la victoire… [car] avec lui, [notre] travail n’est pas sans fruit ».
Une histoire glorieuse dont il faut être reconnaissant
Frère Florent, Frères, Partenaires lasalliens et Amis du District du Canada francophone et du District de l’Est de l’Amérique du Nord : avec les Frères Carlos et Chris, je suis heureux de me joindre à vous en ce jour d’action de grâces. Qui n’aurait jamais pensé que l’Institut fleurirait dans ces régions après que le Saint Fondateur ait déconseillé à son successeur, le Frère Barthélemy, en 1717, d’établir des écoles si loin de la France. Le fait que le rapport soumis par les deux Frères chargés de l’inspection visuelle deux décennies plus tard n’ait pas impressionné le Frère Timothée, 2e Supérieur général, qui simplement refusa de prendre des mesures, n’aida pas non plus. Il a finalement fallu un siècle entier et une nouvelle invitation des Sulpiciens de Montréal pour que l’Institut envoie finalement quatre Frères pionniers traverser l’Atlantique. Le voyage dura 32 jours avant que la première mission lasallienne ne soit établie au Canada en 1837. Avec la bénédiction du Frère Anaclet, 9e Supérieur général, la première école lasallienne au Canada ouvrit ses portes le long des rues Notre-Dame et Saint-François-Xavier à Montréal, avec un effectif de 200 élèves.
Il y a beaucoup à mettre en lumière dans la riche histoire des Frères et des Lasalliens qui ont travaillé au Canada ou qui, originaires du Canada, ont été envoyés en mission dans d’autres parties du monde lasallien. Le blogueur américain Philip Walsh,[1] , réfléchit cependant sur l’histoire telle qu’elle fut écrite par les vainqueurs et nous met en garde :
« Elle est également incomplète. De nombreuses perspectives, faits, voix et interprétations, etc., de notre histoire collective sont laissés de côté, obscurcis ou même réinterprétés de manière déformée. Ces erreurs et ces lacunes ne sont pas le fruit du hasard : elles sont spécifiquement liées à la personne qui est en mesure de raconter notre histoire… Elles ont également tendance à mettre l’accent sur des binômes puissants et intellectuellement satisfaisants : ce qui est juste et ce qui est faux, les gagnants et les perdants, le bien et le mal. Mais la vérité, invariablement, est plus complexe et embrouillée ».
La raison de notre réunion d’aujourd’hui n’est pas d’écrire une histoire définitive du développement de l’Institut dans cette partie du globe, ni même d’analyser ou de critiquer les volumes recueillis au cours des 188 dernières années. Aujourd’hui, nous nous réunissons pour nous souvenir et remercier non seulement pour les nouvelles qui ont fait les gros titres, mais aussi pour les histoires secondaires et les événements qui se sont déroulés dans les coulisses. Certains de ces petits efforts ou de ces initiatives anodines étaient-ils vraiment insignifiants ? Ces petites étincelles qui se sont rapidement éteintes dans le ciel nocturne n’étaient-elles que des énergies gaspillées ? Devons-nous nous inquiéter de notre héritage qui s’efface rapidement alors que le nombre de Frères diminue et que l’influence lasallienne distinctive sur le système éducatif du pays prend une place de second plan ? Si nous regardions vraiment avec les yeux de la foi, nous reconnaîtrions aussi le Dieu de tous les jours et nous nous joindrions au psalmiste qui proclame : « Le Seigneur l’a fait aujourd’hui même réjouissons-nous aujourd’hui et soyons dans l’allégresse… Rendons grâce au Seigneur, car il est bon ; son amour dure à jamais. » (Psaume 117 : 24 & 29).
L’impératif de collaboration
En soutenant la Mission lasallienne, la collaboration s’est avérée être un pilier fondamental pour surmonter les défis. Même le rapport McKinsey 2024[2] sur les systèmes éducatifs performants souligne l’importance de construire des coalitions durables pour le changement. Le rapport suggère de fixer des priorités moins nombreuses mais plus efficaces, de cultiver le leadership au-delà d’un seul individu, et d’engager les éducateurs et les familles dans une communication authentique et réciproque. Dans le cadre de la Mission lasallienne, ces principes se traduisent par un effort collectif où les Frères, les éducateurs, les administrateurs et les parties prenantes travaillent ensemble vers une vision unifiée. Sinon, la responsabilité incombe de manière disproportionnée à quelques individus, ce qui rend les progrès lents et non durables. La nécessité d’une responsabilité partagée garantit que les défis sont abordés de manière holistique, en tirant parti de perspectives et d’expertises diverses pour obtenir un impact significatif et durable.
La Déclaration 2020 sur la mission éducative lasallienne[3] met l’accent sur la fraternité et l’association comme éléments essentiels de notre réussite. Le vœu d’association favorise un engagement profond dans l’action collective, garantissant qu’aucun individu ne porte seul la mission. Il souligne que les systèmes qui réussissent ne s’appuient pas uniquement sur des directives venant d’en haut, mais qu’ils encouragent au contraire l’implication de la base pour créer un sentiment d’appartenance parmi toutes les parties prenantes. Au sein de la communauté lasallienne, cela signifie s’assurer que toutes les voix – en particulier celles des enseignants et des élèves – sont entendues et valorisées dans les processus de prise de décision. En alignant les efforts par une action coordonnée et un soutien mutuel, la durabilité de la mission est renforcée, garantissant qu’elle continue à servir efficacement les communautés malgré l’évolution des défis.
Le défi de l’exécution
L’un des plus grands obstacles au succès n’est pas l’identification des changements nécessaires, mais l’exécution de réformes bien intentionnées. Le même rapport McKinsey 2024 met en garde contre le fait que les réformes ayant des objectifs ambitieux peuvent ne pas avoir les structures et les mécanismes nécessaires pour les mettre en œuvre de manière efficace. Dans le contexte de la Mission lasallienne, ce défi se manifeste par des inefficacités opérationnelles, une résistance au changement et un manque de coordination entre les différents bureaux.
Notre déclaration 2020 met également l’accent sur la fidélité et l’innovation en tant que composantes nécessaires de l’exécution. Elle souligne la nécessité d’une adaptation continue tout en restant fidèle à notre histoire fondatrice. Dans notre tradition et notre histoire, la formation et l’accompagnement garantissent que l’exécution ne concerne pas seulement la mise en œuvre des politiques mais, plus important encore, l’épanouissement des personnes engagées dans la mission. En investissant dans le développement professionnel, le mentorat et la culture du leadership, nous assurerons le succès de la Mission lasallienne.
Construire le pont au fur et à mesure que l’on marche
Hier, j’ai été le fier témoin d’un moment important entre deux Districts qui cherchent à créer de nouvelles voies pour la Mission lasallienne en Amérique du Nord. Il est vrai que nous naviguons sur des eaux inconnues. Comme moi, je prie pour que vous trouviez du réconfort dans la description que fait Robert Quinn de la situation dans laquelle nous nous trouvons : [4]
« Puisqu’ils emmènent l’organisation là où personne n’est allé auparavant, personne ne peut savoir comment y parvenir. Personne ne possède l’expertise nécessaire. De plus, sans les hypothèses normales d’équilibre et d’expertise, les principes traditionnels de bonne gestion ne fonctionnent plus. Puisqu’il n’y a pas de chemin sûr, pas de moyen de contrôler, ils sont obligés d’avancer pas à pas, à l’aveugle. Ils sont obligés de construire le pont au fur et à mesure qu’ils avancent. Ils font alors l’expérience d’un apprentissage exponentiel sur eux-mêmes, sur les autres et sur l’organisation ».
Je ne doute pas que l’esprit pionnier qui a guidé les premiers lasalliens dans ces régions et l’esprit soutenu de fraternité et d’association qui a défini notre mission éducative au cours des 188 dernières années continueront à nous guider alors que nous marchons ensemble aujourd’hui comme des Pèlerins de l’espérance.

L’héritage des Frères des Écoles chrétiennes canadiens au Japon
C’est le 22 octobre 1932 que les quatre Frères arrivent enfin au port de Hakodate, le but de leur mission. La ville qu’ils ne connaissaient pas, mais qui était dans leur esprit et dans leur cœur depuis qu’ils avaient été invités à être les pionniers lasalliens au Japon.
Leurs cœurs jeunes et généreux les ont aidés à surmonter tous les inconvénients et les difficultés liés à leur installation au pays du Soleil levant. Le fondement de leur foi, comme le noyau de l’esprit de l’Institut, les a soutenus en tant que communauté s’aidant mutuellement à initier quelque chose de nouveau et un travail apostolique durable : s’intégrer dans la périphérie du monde de la culture catholique.
Alors qu’ils pensaient être prêts à construire la première école La Salle, avec le soutien de la Famille lasallienne canadienne, la Seconde Guerre Mondiale les a obligés à suspendre tous leurs projets. Ils découvrirent bientôt qu’ils seraient privés de liberté car ils étaient détenus sous surveillance et dans l’impossibilité de rentrer au Canada. Ce n’est qu’après la fin de la guerre qu’ils ont été autorisés à retourner dans leur pays d’origine.
Aussi étonnant que cela puisse nous paraître, ils ont relevé le défi de revenir au Japon malgré les épreuves qu’ils ont subies pendant la guerre. En repensant à leur engagement au Japon, nous pouvons sans aucun doute témoigner de la grandeur de leur FOI. Ils chérissaient le rêve de partager l’éducation lasallienne avec les enseignants, les élèves et les parents de ce pays.
Depuis leur arrivée il y a 93 ans, 54 Frères canadiens ont travaillé ici, peu sont morts à l’extérieur du Canada. Ils ont exercé une telle influence dans le pays que la plupart des Japonais reconnaissent aujourd’hui la qualité de l’éducation chrétienne et humaine des Lasalliens dans les deux seules écoles qu’ils ont ouvertes et qui accueillent encore des garçons de 12 à 18 ans.
Nous, les successeurs des « Frères » au Japon, sommes reconnaissants de l’incroyable engagement en faveur de la qualité de l’éducation dans la périphérie du monde de la culture chrétienne
Nous sommes attachés à leur zèle et à leur foi et nous proclamons : « Leur rêve est notre rêve ».
Mes très chers Frères : Merci beaucoup !
Les Frères du Japon
Frère Fermin Martinez, FSC

Ce fut une journée historique riche en émotions. Honneur et fierté aux Frères des Écoles chrétiennes du Canada francophone pour tout ce qu’ils ont accomplis depuis 188 ans. Grâce à l’engagement des partenaires laïcs, souhaitons une longue vie à la Mission éducative lasallienne chez nous!
[1] https://maineinitiatives.org/blog/history-is-written-by-the-victors
[2] https://www.mckinsey.com/industries/education/our-insights/spark-and-sustain-how-school-systems-can-improve-learning-at-scale#/
[3] https://www.lasalle.org/wp-content/uploads/2020/07/La_Declaración_ENG_web.pdf
[4] Robert E. Quinn. 2004. Construire le pont en marchant dessus : A Guide for Leading Change. San Francisco : John Wiley & Sons, Inc, p. 10.